Chapitre Sept
Pierre Saint-Hilaire n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Jamais aucun voyage ne lui avait paru aussi long. Prisonnier de son compartiment, il avait encaissé deux gifles coup sur coup. Son fidèle lieutenant était accusé de meurtre et recherché par toutes les polices françaises, et cette inconnue au doux nom de Monica Scalzo, après lui avoir offert un moment de réconfort, lui avait délivré ce message étrange en forme d'espoir : elle est vivante. Comment interpréter cette phrase ? Etait-ce juste un simple mot d'encouragement ou une certitude ? Comment cette inconnue pourrait-elle détenir des informations sur sa propre femme ? Et si c'était le cas, sa présence dans le train n'était donc pas fortuite ? Pourquoi Monica Scalzo avait-elle subitement disparu ? Toutes ces questions triturèrent le cerveau du pauvre homme pendant cette nuit interminable. L'aube se leva sur un déluge. La couleur des champs fraîchement retournés se confondait avec celle du ciel en colère. Les yeux rougis par le manque de sommeil, le commissaire laissait défiler la campagne sans même y prêter attention. Une succession de pavillons et d'immeubles annonça bientôt l'arrivée imminente à Paris. Ici et là, de longs serpents de lumières rouges ou jaunes signalaient déjà la présence d'embouteillages sur les autoroutes menant à la capitale. Le convoi, slalomant d'aiguillages en aiguillages, s'enfonçait petit à petit jusqu'au cœur de la cité. Même en refermant sa valise, Saint Hilaire ne pouvait s'empêcher de penser à la révélation de cette nuit. Pour débuter son enquête il n'avait qu'un faible indice constitué d'un prénom et d'un nom : Monica Scalzo. Etait-ce sa véritable identité ? Il n'en savait rien. La rencontre n'était sûrement pas fortuite. Avait-il été suivi ? Monica aurait-elle couché avec lui s'il n'avait pas refusé ses avances ? A ces questions, il n'avait pour l'instant pas de réponses.
Les quais de la gare de Lyon encadrèrent bientôt le convoi qui s'immobilisa en bout de voie. Il décida de mettre entre parenthèse les doutes et les incertitudes provoqués par cette rencontre nocturne. Le lieutenant Caramany devait l'appeler dans la matinée et il n'avait que très peu de temps pour prendre connaissance du dossier. Il préféra donc ne pas rentrer chez lui et se rendre directement au commissariat.
En descendant du wagon, Saint Hilaire fut happé par le flot continu des voyageurs. La bousculade faisait rage sur le quai bondé, à l'abri de la grande verrière qui résonnait sous la pluie.
A une centaine de mètres du hall des arrivées, le commissaire aperçut un « comité d'accueil » suspect. Son flair détecta immédiatement les policiers en tenue civile. L'Inspection générale des services avait dû travailler tard cette nuit. Des recherches sur les appels passés dans les cabines téléphoniques du quartier où avait disparu le fuyard, avaient déjà dû les conduire jusqu'à son numéro de téléphone portable. En marquant un temps d'arrêt, il se fit immédiatement bousculer par la personne qui le suivait. Très rapidement la foule s'écarta de lui comme le courant d'une rivière contourne le rocher. Suivre ces policiers reviendrait inévitablement à perdre son temps en palabres, durant toute la journée. Plutôt que de rendre des comptes, il préférait agir au plus vite. Il ne voulait pas manquer son rendez-vous avec Caramany. Saint Hilaire fit volte-face et rebroussa chemin pour atteindre la première bouche de métro qui s'offrait à lui depuis le quai. Il descendit rapidement les escaliers. Il sauta dans la première rame et prit place sur un siège côté fenêtre. La chenille mécanique s'enfonça dans le tunnel noir. A cet instant, et grâce au jeu des lumières, son visage se refléta dans la glace. Il n'avait pas pris le soin de se raser dans le train. Son image l'effraya. Ses traits tirés, le teint blafard et l'accentuation des rides de son front le vieillissaient d'au moins dix ans. Malgré le bercement du wagon et la chaleur ambiante, les yeux de Saint Hilaire restaient imperturbablement ouverts. L'espoir de revoir sa femme agissait comme une drogue tenant son esprit en éveil, même s'il ne disposait pour l'heure d'aucun élément sérieux qui permette de la retrouver. Il se remettait à envisager toutes les hypothèses. L'enlèvement crapuleux ? Pourquoi pas ? C'était peut-être le motif le plus sérieux depuis que Monica Scalzo était apparue dans le train. Il recevrait probablement une demande de rançon. Pourquoi les ravisseurs avaient-ils attendu si longtemps avant de se signaler ? Depuis longtemps, il avait envisagé cette possibilité. Au cours de sa carrière, il s'était forcément créé des ennemis dans le grand banditisme. Peut-être lui faisait-on payer son excès de zèle ? De plus, cette thèse lui évitait de penser à l'autre éventualité, celle où sa femme l'aurait plaqué pour un autre. Dans ses longs moments de déprime, il préférait honteusement l'imaginer ligotée au fond d'une cave plutôt que dans les bras d'un gigolo.
Quand la rame sortit de terre, de grosses gouttes glissèrent sur les vitres, brouillant la vue qui s'offrait aux voyageurs. Les six wagons roulaient sur le pont métallique qui longeait le boulevard de Rochechouart. Barbès offrait le visage des jours tristes et Montmartre s'était retiré dans les nuages. Des grues enjambaient les décombres de vieux immeubles pour clandestins. Elles reconstruisaient le nouveau Paris, repoussant la pauvreté bien loin au-delà de ses portes. Son téléphone redevint accessible aux réseaux et se mit aussitôt à sonner. Saint Hilaire sursauta. Le message inscrit sur l'écran était des plus dépouillés : RDV planque du Grec dans 2H00 L.C.. Caramany n'était pas prudent d'utiliser son téléphone portable, pensa-t-il, il aurait dû continuer à se servir des cabines publiques. Si Wuenheim avait mis tous les moyens pour le retrouver, il devait être en mesure de repérer ainsi le secteur où orienter les recherches.
Le temps était donc compté. Le commissaire descendit à la station Blanche et rejoignit en quelques minutes la rue Ballu. Il prit soin de regarder les véhicules stationnés devant son commissariat. Ne remarquant aucune voiture étrangère à son service, il s'enfila dans l'allée privée et pénétra dans le bâtiment. L'accueil se trouvait au premier étage, le rez-de-chaussée étant entièrement consacré aux cellules. Les marches en bois grincèrent sous son pas. Ce bruit familier lui apporta la douce sensation d'être enfin rentré à la maison. Voilà d'où venait son malheur. Il confondait trop souvent son lieu de travail et son domicile.
Claire, l'hôtesse d'accueil, discutait avec une vieille grand-mère, habituée des lieux. Cette dernière venait systématiquement dénoncer un voisin, un passant ou un automobiliste pour une quelconque incivilité. Peu importait le sujet. Ce qui comptait pour cette pauvre dame esseulée, c'était l'écoute que lui offrait sa charmante interlocutrice. Saint Hilaire tenta de franchir incognito le hall d'accueil. L'œil aguerri de Claire reconnut son patron malgré ses vêtements humides et sa barbe naissante. Elle s'arracha immédiatement de sa chaise et mit un terme à sa conversation par une courte phrase d'excuse, accompagnée d'un sourire contraint. Le commissaire ne s'arrêta pas pour autant mais se sachant repéré, amorça la conversation :
– Bonjour, Claire ! Quoi de neuf en mon absence ?
– Bonjour, patron ! Nous avons eu la visite...
– ... de l'I.G.S. ! la coupa-t-il. Je sais tout cela. Quoi d'autre ?
– Depuis ce matin, tout le gratin de la direction veut vous parler. Le téléphone n'arrête pas de sonner. J'ai au moins une quinzaine de messages, déclara-t-elle en tendant une multitude de « Post-it ».
Saint Hilaire pénétra dans son bureau et jeta sa veste sur le portemanteau.
– Le commissaire divisionnaire Pupillin exige que vous l'appeliez en premier. Il a dit que c'était très urgent. Le commissaire Wuenheim de l'I.G.S. veut que vous le contactiez immédiatement.
Claire ajouta sans reprendre sa respiration :
– Celui-là, ce n'est pas un commode, si je peux me permettre ! Avec lui, on ne doit pas rire tous les jours !
– Ma fille vit avec lui depuis un an ! lâcha Saint Hilaire en enlevant sa paire de chaussures.
L'hôtesse, gênée, stoppa net son flot de paroles. Malgré tout, elle venait de recevoir une information qu'elle pourrait retransmettre avec fierté à la machine à café du commissariat. Pressé, le policier éjecta Claire de son bureau en lui confiant la mission d'avertir le major Léognan de son arrivée. Puis il ferma la porte à clef et s'occupa de remettre de l'ordre dans son apparence physique.
***
Les analyses génétiques avaient été ordonnées d'urgence par Wuenheim. Les résultats tombèrent en tout début de matinée. Ils étaient sans appel. Les tests confirmaient les conclusions de l'autopsie pratiquée par Eve Saint Hilaire. Le cadavre découvert dans la cave de Caramany était bien celui de la mère du médecin légiste. Le chef de l'Inspection générale des services était encore sous le choc de cette annonce. Assis dans son bureau feutré, il avait quitté sa compagne après l'avoir forcée à prendre des tranquillisants. Elle n'avait pas tardé à sombrer dans un sommeil profond. Même endormi, son visage était encore sujet à des tremblements de paupières et à des mouvements de bouche disgracieux. Eve venait de découper sa propre mère. Elle avait extirpé les entrailles du ventre qui l'avait conçue. Elle avait découpé la tête de sa génitrice et charcuté son cerveau. Comment pourrait-elle vivre avec pareil souvenir ? se demandait Wuenheim. Comment surmonterait-elle cette mise en bière sordide ?
Outre ses préoccupations sur l'état de santé psychologique d'Eve Saint Hilaire, le commissaire Wuenheim n'arrivait pas à trouver le lien entre la disparition de Marthe Saint Hilaire, dix-sept mois auparavant, et la plainte pour viol contre le lieutenant Caramany. Pour quelles raisons ces deux affaires se rejoignaient-elles ? Mélanie Bouzy était la clef de l'énigme. Il devait donc absolument la retrouver. Elle serait sûrement plus facile à attraper que le lieutenant Caramany. Tout en réfléchissant, le commissaire attendait avec appréhension l'arrivée de son collègue. Il avait envoyé une équipe récupérer Pierre Saint Hilaire à l'arrivée de son train. Il ne voulait pas qu'il apprenne inopinément le décès de sa femme. C'était de sa responsabilité de lui faire part des événements de la nuit. Mais il comptait aussi le convaincre de coopérer à l'arrestation de son lieutenant.
Le jeune commissaire stagiaire Le Taillan entra dans le vaste bureau de son supérieur après y avoir été autorisé. De retour de la gare de Lyon, il expliqua à Michel Wuenheim que leur collègue Saint Hilaire ne se trouvait apparemment pas dans le train. Ennuyé de ce contretemps, Wuenheim dut se résoudre à décrocher son combiné pour joindre le commissaire divisionnaire Pupillin. Il l'informa du dernier rebondissement sans savoir que le chef de la 2e division de police judiciaire de Paris était un ami de Pierre et Marthe Saint Hilaire. La nouvelle fut dure à encaisser. Henri Pupillin qui comptait protester contre le manque de diplomatie du commissaire de l'I.G.S., se retrouva à bredouiller quelques paroles en l'air. Comment allait-il l'annoncer à sa femme ? Elles avaient été si proches. Madame Pupillin avait déjà pleuré la disparition de son amie, il lui faudrait maintenant faire un deuxième deuil. Le vieux commissaire, qui se considérait comme l'oncle d'Eve, s'inquiéta de son état de santé. Apprenant qu'elle dormait dans l'appartement de Wuenheim, ils convinrent qu'une fois l'annonce faite à madame Pupillin, celle-ci se rendrait au chevet de la jeune femme. Le commissaire divisionnaire insista pour se charger d'aviser Pierre Saint Hilaire. Même si les hommes de Wuenhein ne l'avaient pas trouvé à sa descente de train, il le pensait déjà arrivé dans la capitale. Il connaissait bien son ami et savait qu'il détestait qu'on lui impose quoi que se soit. De plus, il le savait capable de se rendre invisible aux yeux des plus expérimentés des policiers, et apte à leur fausser compagnie sans aucun souci. Henri Pupillin saurait le retrouver. Il intima l'ordre à son collègue de poursuivre les recherches afin d'interpeller Caramany. S'il avait d'abord cru à son innocence, il serait maintenant le premier à lui mettre une balle entre les deux yeux, si leurs chemins venaient à se croiser.
***
Pierre Saint Hilaire s'était installé dans son siège en cuir derrière son bureau en chêne massif. Une tasse de café fumant était posée à côté de son ordinateur. En moins de cinq minutes et avec l'aide de son nécessaire à toilette, il s'était redonné une apparence respectable. Il avait enfilé le costume de rechange qu'il laissait en tout temps dans son placard. Léognan arriva au moment où le commissaire absorbait sa première gorgée de café.
– Entrez, major ! fit-il en reposant sa tasse.
– Bonjour, patron !
– Victor, je suis extrêmement pressé ! Alors faites-moi un compte-rendu des plus synthétiques, intima Saint Hilaire.
Le major se lança dans un résumé de la journée de la veille. Il employait une syntaxe truffée d'expressions empruntées au langage administratif, tirées directement des rapports et procès-verbaux qu'il écrivait chaque jour. Il évita de commenter le caractère autoritaire et nonchalant du commissaire Wuenheim, Claire l'ayant – déjà – avisé de sa liaison avec la fille du patron. Saint-Hilaire fut rapidement surpris par le peu de ferveur avec laquelle le major défendait Caramany.
– Ne me dites pas que vous le croyez coupable ?
Le major ne savait pas mentir. Il avait élaboré avec Sarras toute une stratégie pour les amener à découvrir le couteau pendu au volet, en la présence de Saint Hilaire. Mais ce plan qu'il considérait comme « foireux » après une courte nuit de sommeil, s'écroula dès qu'il se retrouva en présence de son chef.
– Ecoutez, patron...
Léognan cherchait ses mots.
– Voilà, hier, on a fait une grosse connerie, lâcha-t-il enfin.
Le commissaire pensa qu'il n'était pas au bout de ses surprises.
– Qui « on » ? demanda-t-il.
– Moi et Sarras, balança le futur retraité. Hier soir, nous sommes restés tous les deux après la fermeture du poste. C'était la tempête encore pire qu'aujourd'hui. Pendant que nous discutions de l'affaire, un volet du bureau du lieutenant s'est mis à claquer. Alors nous sommes allés le fermer.
– Et alors ? demanda Saint Hilaire, intrigué.
– Et alors, nous avons découvert un couteau !
Le commissaire resta silencieux en attendant la suite.
– ... Il était suspendu à l'attache du volet.
– Vous avez averti le commissaire Wuenheim ?
Léognan se gratta le dessus de la tête.
– Ecoutez, l'affaire était délicate. Nous ne voulions pas nuire à la procédure ni ennuyer le lieutenant. Alors...
– Alors qu'avez-vous fait ? accéléra le commissaire.
– On a rattaché le couteau au volet ! précisa-t-il tout penaud.
– Quoi ? Vous avez remis cette preuve dehors ! Sous la pluie ! hurla Saint Hilaire.
– Oui... C'est bien ça, avoua Léognan.
– Vous comptiez me faire découvrir le couteau pour que la sale décision me revienne, c'est cela, major ? analysa-t-il rapidement.
– Ben... C'est vous le chef, patron !
Saint Hilaire en avait pris son parti. Toutes les deux heures environ, une révélation venait perturber le cours de sa vie. Il demanda par téléphone à Claire, l'hôtesse d'accueil, de faire descendre dans son bureau le gardien de la paix, Sarras. Il lui précisa de venir avec « ce qu'il savait », ce qui raviva la curiosité de son assistante.
Yvan Sarras ne tarda pas à ramener sa masse corpulente sur la moquette moelleuse de son patron. A son air déconfit, Saint Hilaire comprit l'embarras dans lequel se trouvait le policier. Ce dernier lança un regard désapprobateur au major qui venait de vendre la mèche. Après les salutations d'usage, Sarras sortit de sous son pull un sachet plastique contenant l'arme en question. Il la déposa, paumes ouvertes, sur le bureau de son chef comme le vassal déposait jadis son offrande au Seigneur. Saint Hilaire se garda bien d'y toucher. Il regarda l'heure au réveil posé sur son bureau. Dans un peu moins d'une heure, il devrait être au rendez-vous fixé par le lieutenant Caramany. Il informa ses deux sbires de la découverte par l'Inspection générale des services, du corps sans vie de la prostituée dans la cave de l'officier de police, et les mit au courant du contenu de sa discussion avec leur collègue en fuite. Les deux hommes se regardèrent, encore abasourdis par l'annonce de ces événements.
– Vous venez donc, enchaîna le commissaire, de découvrir vraisemblablement l'arme du crime !
Sarras, sans en demander la permission, s'assit sur l'une des trois chaises qui faisaient face au bureau de son chef. Léognan, pétrifié d'avoir côtoyé quotidiennement un assassin, restait droit comme un i, ventre en avant.
L'amoncellement de preuves contre son adjoint amena immanquablement Saint Hilaire à revoir son plan. Il ne pouvait plus se rendre en catimini au rendez-vous fixé par le fuyard. Il décida donc de partager son secret avec les deux policiers pour préserver sa sécurité. Léognan protesta :
– Vous ne pouvez pas partir seul dans la planque du Grec ! C'est trop dangereux ! Laissez-nous au moins venir en deuxième rideau pour protéger vos arrières. C'est un coupe-gorge ! s'exclama-t-il sincèrement.
– Hors de question ! rétorqua le commissaire. Caramany vous repérerait immédiatement et il penserait à un traquenard. Je ne veux surtout pas le voir disparaître dans la nature. Je jugerai sur place de sa bonne ou de sa mauvaise foi dans cette affaire. Je dois y être dans moins de trois quarts d'heure et je veux que vous gardiez le silence sur cette information.
A la mine peu convaincue de son adjoint, et au regard hagard de Sarras, Saint Hilaire insista :
– Vous m'avez entendu ?
Le gardien de la paix acquiesça de la tête.
– Si, dans deux heures, je ne suis pas réapparu, alors vous pourrez vous pointer chez le Grec. Mais en attendant, je veux que vous restiez bien sagement au commissariat comme si de rien n'était ! Et surtout, bouche cousue ! intima-t-il en joignant le geste à la parole.
Le téléphone sonna. Claire au bout du fil alerta son patron de l'arrivée du commissaire divisionnaire Henri Pupillin en personne. A peine eut-il le temps de raccrocher le combiné que son supérieur ouvrait déjà la porte de son bureau. Les deux collaborateurs de Saint Hilaire se redressèrent et saluèrent respectueusement l'autorité. Pupillin n'y prêta aucune attention et demanda fermement à s'entretenir en privé avec son ami. Les deux sbires disparurent sans demander plus d'explications. Henri Pupillin les regarda sortir du bureau et s'assura que la porte était bien close. Le visage fermé et l'air grave de son supérieur frappèrent Saint Hilaire. Henri Pupillin ne put s'asseoir.
– Tu es difficile à trouver, commença-t-il par dire.
– Je suis à mon poste ! répondit Saint Hilaire malicieusement, ce sont des hommes à toi qui m'attendaient à la gare ?
– A Wuenheim ! lâcha Pupillin.
– Je m'en doutais. Il veut me cuisiner pour que je lui serve mon adjoint sur un plateau ?
– Non, c'est pour une toute autre raison, Pierre ! dit gravement son collègue. Et je viens pour le même motif.